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La semaine de la procédure pénale

Pénal - Procédure pénale
15/07/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en procédure pénale, la semaine du 6 juillet 2020.
Détention provisoire – surpopulation carcérale – mise en liberté – QPC
« Il appartient au juge national, chargé d’appliquer la Convention, de tenir compte, sans attendre une éventuelle modification des textes législatifs ou réglementaires, de la décision de la Cour européenne des Droits de l’homme condamnant la France pour le défaut de recours préventif permettant de mettre fin à des conditions de détention indignes.
Le juge judiciaire a l’obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant de mettre un terme à la violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
En tant que gardien de la liberté individuelle, il incombe à ce juge de veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s’assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant.
La description faite par le demandeur de ses conditions personnelles de détention doit être suffisamment crédible, précise et actuelle, pour constituer un commencement de preuve de leur caractère indigne.
Il appartient alors à la chambre de l’instruction, dans le cas où le ministère public n’aurait pas préalablement fait vérifier ces allégations, et en dehors du pouvoir qu’elle détient d’ordonner la mise en liberté de l’intéressé, de faire procéder à des vérifications complémentaires afin d’en apprécier la réalité.
 
Dans le cadre d’une information judiciaire ouverte le 13 mai 2019, M. A... X... a été mis en examen, le 29 novembre 2019, des chefs de meurtre commis en bande organisée, tentative de meurtre commis en bande organisée et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime.
Le même jour, il a été placé en détention provisoire par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes, au centre pénitentiaire de Ploemeur.
Par ordonnance du 28 janvier 2020, le juge des libertés et de la détention a rejeté une demande de mise en liberté présentée par l’intéressé.
M. X... a formé appel de cette décision.
 
Par arrêt de ce jour, la Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative aux articles 137-3, 144 et 144-1 du Code de procédure pénale.
L’article 23-5, alinéa 4, de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que lorsque celui-ci a été saisi, le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu’à ce qu’il se soit prononcé. Il en va autrement quand l’intéressé est privé de liberté à raison de l’instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé.
Il est rappelé que, dans sa décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a jugé que si l’alinéa 4 de l’article précité peut conduire à ce qu’une décision définitive soit rendue dans une instance à l’occasion de laquelle le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité et sans attendre qu’il ait statué, dans une telle hypothèse, ni cette disposition, ni l’autorité de la chose jugée ne sauraient priver le justiciable de la faculté d’introduire une nouvelle instance pour qu’il puisse être tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel.
 
Il découle des articles 137-3, 144 et 144-1 du Code de procédure pénale que le juge, pour apprécier la nécessité de placer ou maintenir une personne en détention provisoire, se détermine en tenant compte des impératifs de la procédure judiciaire, des exigences de préservation de l’ordre public et du caractère raisonnable de la durée de cette détention.
Jusqu’à présent, nonobstant l’article préliminaire III, alinéa 4, du Code de procédure pénale, la Cour de cassation a posé en principe qu’une éventuelle atteinte à la dignité de la personne en raison des conditions de détention, si elle est susceptible d’engager la responsabilité de la puissance publique en raison du mauvais fonctionnement du service public, ne saurait constituer un obstacle légal au placement et au maintien en détention provisoire (Crim., 18 septembre 2019, pourvoi n°19-83.950, en cours de publication).
Ce n’est qu’en cas d’allégation d’éléments propres à la personne concernée, suffisamment graves pour mettre en danger sa santé physique ou mentale, que la Cour de cassation a estimé que les juges du fond pouvaient se déterminer par des motifs étrangers aux seules exigences des articles 137-3, 143-1 et suivants du Code de procédure pénale (Crim., 29 février 2012, pourvoi n°11-88.441, Bull. crim., n° 58). L’article 147-1 du Code de procédure pénale, issu de la loi n°2014-896 du 15 août 2014, a consacré cette jurisprudence, en disposant qu’en toute matière et à tous les stades de la procédure, sauf s’il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction, la mise en liberté d’une personne placée en détention provisoire peut être ordonnée, d’office ou à la demande de l’intéressé, lorsqu’une expertise médicale établit que cette personne est atteinte d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que son état de santé physique ou mentale est incompatible avec le maintien en détention.
Cependant, le 30 janvier 2020, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France dans son arrêt JMB et autres, pour des conditions de détention contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, dans diverses prisons françaises (req. n° 9671/15 et 31 autres).
Elle a également prononcé une condamnation sur la base de l’article 13 de la Convention.
Après avoir constaté qu’il n’existait aucun recours préventif en matière judiciaire, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé notamment que, si la saisine du juge administratif, en l’occurrence du juge du référé-liberté, avait permis la mise en œuvre de mesures visant à remédier aux atteintes les plus graves auxquelles sont exposées les personnes détenues dans certains établissements pénitentiaires, le pouvoir d’injonction conféré à ce juge ne lui permet pas de mettre réellement fin à des conditions de détention contraires à la Convention.
Sur le fondement de l’article 46 de la Convention, elle a émis diverses recommandations, l’Etat français devant adopter des mesures générales aux fins de garantir aux détenus des conditions de détention conformes à l’article 3 de la Convention, d’établir un recours préventif et effectif, combiné avec le recours indemnitaire, permettant de redresser la situation dont les détenus sont victimes et d’empêcher la continuation d’une violation alléguée.
Les recommandations générales que contient cette décision s’adressent, par leur nature même, au Gouvernement et au Parlement. Cependant, il appartient au juge national, chargé d’appliquer la Convention, de tenir compte de ladite décision sans attendre une éventuelle modification des textes législatifs ou réglementaires.
 A ce titre, le juge judiciaire a l’obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant d’empêcher la continuation de la violation de l’article 3 de la Convention.
En tant que gardien de la liberté individuelle, il lui incombe de veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s’assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant.
Il résulte de ce qui précède que, lorsque la description faite par le demandeur de ses conditions personnelles de détention est suffisamment crédible, précise et actuelle, de sorte qu’elle constitue un commencement de preuve de leur caractère indigne, il appartient alors à la chambre de l’instruction, dans le cas où le ministère public n’aurait pas préalablement fait vérifier ces allégations, et en dehors du pouvoir qu’elle détient d’ordonner la mise en liberté de l’intéressé, de faire procéder à des vérifications complémentaires afin d’en apprécier la réalité.
Après que ces vérifications ont été effectuées, dans le cas où la chambre de l’instruction constate une atteinte au principe de dignité à laquelle il n’a pas entre-temps été remédié, elle doit ordonner la mise en liberté de la personne, en l’astreignant, le cas échéant, à une assignation à résidence avec surveillance électronique ou à un contrôle judiciaire.
Pour confirmer l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention, l’arrêt attaqué relève notamment que, s’il est soutenu que la détention provisoire de M. X... le place dans des conditions indignes relevant de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, il s’agit d’une affirmation péremptoire reposant sur un article de presse et un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté de 2018 qui ne renseignent en rien, in concreto, sur la situation de l’intéressé, incarcéré depuis le 29 novembre 2019.
Les juges ajoutent que la cour n’est pas en mesure d’apprécier si M. X... est dans une cellule double, triple, s’il est privé de lumière naturelle, de ventilation, qu’à supposer que ses conditions de détention relèvent effectivement de l’article 3 de la Convention, ce qui n’est pas démontré de manière effective, la sanction d’un tel traitement ne peut être la remise en liberté de l’intéressé au regard des droits constitutionnels imprescriptibles que garantit la détention provisoire par l’objectif de recherche d’auteurs d’infraction qu’elle poursuit en écartant la personne incarcérée de tout risque d’immixtion dans l’information judiciaire.
La cour retient qu’aucune décision de la Cour européenne des droits de l’homme n’a posé le principe selon lequel toute violation de l’article 3 de la Convention devait être sanctionnée par la mise en liberté de la personne concernée et que, dans un arrêt de principe (Crim. 18 septembre 2019, n° 19-83.950), la Cour de cassation a jugé qu’une éventuelle atteinte à la dignité de la personne en raison des conditions de détention, si elle est susceptible d’engager la responsabilité de la puissance publique en raison du mauvais fonctionnement du service public, ne saurait constituer un obstacle légal au placement et au maintien en détention provisoire.
Les juges concluent que la personne détenue dispose donc d’un recours compensatoire et qu’elle dispose également d’un recours préventif, par l’exercice, devant la juridiction administrative, d’un référé-liberté visé par l’article L. 521-2 du Code de la justice administrative qui oblige le juge saisi à statuer dans les quarante-huit heures de sa saisine.
Pour les raisons précisées aux paragraphes 16 à 24, c’est à tort que la chambre de l’instruction a jugé qu’une éventuelle atteinte à la dignité de la personne en raison des conditions de détention ne saurait constituer un obstacle légal au placement ou au maintien en détention provisoire.
L’arrêt n’encourt néanmoins pas la censure dès lors que les allégations formulées par M. X... ne faisaient état que des conditions générales de détention au sein de la maison d’arrêt dans laquelle il est détenu, sans précisions sur sa situation personnelle, et notamment sur la superficie et le nombre des occupants de la cellule, son agencement intérieur et le nombre d’heures journalières d’occupation
 
La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions des articles 137-3, 144 et 144-1 du Code de procédure pénale, en ce qu’elles ne prévoient pas, contrairement à la recommandation faite par la Cour européenne des droits de l’homme à la France dans son arrêt du 30 janvier 2020, que le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention puisse, de manière effective, redresser la situation dont sont victimes les détenus dont les conditions d’incarcération constituent un traitement inhumain et dégradant afin d’empêcher la continuation de la violation alléguée devant lui, portent-elles atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, au principe constitutionnel nouveau qui en découle d’interdiction des traitements inhumains et dégradants ainsi qu’à la liberté individuelle, le droit au respect de la vie privée, le droit au recours effectif ? »
La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.
La question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle.
La question posée présente un caractère sérieux en ce sens que, d’une part, les dispositions législatives qui régissent la détention provisoire ne subordonnent pas le placement ou le maintien de cette détention à la possibilité de garantir que l’incarcération respecte la dignité de la personne détenue, et d’autre part, il n’existe pas de recours ni de faculté d’injonction reconnue à une juridiction, permettant de mettre un terme à toute atteinte à la dignité de la personne incarcérée, résultant des conditions de sa détention.
En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ».
Cass. crim., 8 juill. 2020, n° 20-81.739, P+B+R+I *
 

Demande de mise en liberté – délai – spécialité de l’extradition
«
 Dans le cadre d’une information judiciaire ouverte des chefs précités, un mandat d’arrêt a été décerné contre M. X....
À l’issue de l’information, le juge d’instruction a mis en accusation, notamment, M. X..., de ces chefs, et constaté que le mandat d’arrêt continuait à produire ses effets.
Remis postérieurement aux autorités françaises après son extradition, et placé en détention provisoire, M. X... a, le 30 janvier 2020, formé une demande de mise en liberté.
Il a contesté devant la chambre de l’instruction le respect du principe de spécialité, de sorte que, par arrêt avant dire droit du 13 février 2020, cette juridiction a seulement constaté la nécessité de procéder à des vérifications concernant la demande et ordonné la traduction d’une des pièces du dossier d’extradition
 
Sur le moyen relevé d’office pris de la violation de l’article 148-2 du Code de procédure pénale, ce moyen ayant été évoqué dans le rapport du conseiller rapporteur et les conclusions de l’avocat général
Vu ledit article :
Il résulte de ce texte que, lorsqu’une chambre de l’instruction est appelée à statuer, en application de l’article 148-1 de ce Code, sur une demande de mise en liberté formée par un accusé qui est renvoyé devant la cour d’assises, elle doit se prononcer dans le délai de vingt jours, non susceptible de prolongation, qu’il fixe, faute de quoi il est mis fin à la détention provisoire, l’intéressé, s’il n’est pas détenu pour autre cause, étant mis d’office en liberté.
Pour dire la procédure indemne de toute irrégularité qui justifierait une mise en liberté d’office, l’arrêt attaqué énonce notamment qu’il a été statué dans le délai prévu par la loi, le 13 février 2020, sur la demande de mise en liberté formée le 30 janvier précédent.
Les juges ajoutent qu’en l’état de l’invocation par la défense de l’intéressé de la possible méconnaissance du principe de la spécialité de l’extradition, ils ont estimé nécessaire, par cet arrêt qui n’a pas été critiqué, d’ordonner, comme le prévoit expressément l’article 194 du Code de procédure pénale, une vérification sur ce point précis qui, s’il avait été avéré, aurait justifié la remise en liberté du demandeur.
Ils concluent que la demande de mise en liberté a été examinée, et à deux reprises, dans les meilleurs délais possibles et dans le respect de l’impératif conventionnel et légal de célérité dans le traitement du contentieux de la détention.
En statuant ainsi, alors que, d’une part, l’article 194, alinéa 4, du Code de procédure pénale n’est pas applicable lorsque la chambre de l’instruction statue en application des articles 148-1 et 148-2 du même Code, d’autre part, il n’a pas été statué avant l’expiration du délai imparti par le second de ces textes, l’arrêt du 13 février 2020 n’ayant pas prononcé sur la demande de mise en liberté, la chambre de l’instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ».
Cass. crim., 8 juill. 2020, n° 20-82.472, P+B+I *
 
 
Irresponsabilité pénale – audition – expert
« 1°) L’interrogatoire de la personne mise en examen qui comparaît dans le cadre de la procédure instaurée par les articles 706-120 et suivants du code de procédure pénale est une formalité substantielle. L’arrêt doit porter mention qu’il a été procédé, conformément à la loi, à cet interrogatoire.
2°) La personne qui comparaît devant la chambre de l’instruction, saisie d’une ordonnance de transmission de pièces pour cause de trouble mental, doit être informée de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.
3°) Lorsque la chambre de l’instruction est saisie d’un recours contre une ordonnance d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, les experts ayant examiné la personne mise en examen doivent être entendus par la chambre de l’instruction. Encourt la censure l’arrêt dont les mentions ne permettent pas à la Cour de cassation de s’assurer que l’un des experts, au moins, a été entendu.
 
Le 1er janvier 2018 à 0h15, l’intervention de la gendarmerie a été requise au [...] (44). Sur place les enquêteurs ont découvert le corps sans vie de Mme Thérèse X.... Son mari, M. C... X..., gravement blessé, était transporté au centre hospitalier de Nantes.
Sur les lieux, leur fils, M. A... X..., armé d’un couteau, tenait des propos incohérents.
M. X... a reconnu avoir porté les coups de couteau à ses parents. 5. Il a été reconnu pénalement irresponsable, au moment de l’action, par deux collèges d’experts psychiatres.
Le juge d’instruction a rendu, le 22 mars 2019, une ordonnance de transmission de pièces devant la chambre de l’instruction en application des articles 122-1 du Code pénal et 706-119 et suivants du Code de procédure pénale.
 
Vu les articles 706-122 alinéa 3 et 442 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l’homme :
Selon les deux premiers de ces textes, lorsque la chambre de l’instruction est saisie d’un recours contre une ordonnance d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, le président procède à l’interrogatoire de la personne mise en examen, si elle est présente, et reçoit ses déclarations.
L’interrogatoire de la personne mise en examen, dans le cadre de cette procédure, constitue une obligation substantielle. L’arrêt doit porter mention qu’il a été procédé, le cas échéant, conformément à la loi, à cet interrogatoire.
Il se déduit du dernier de ces textes que la personne qui comparaît devant la chambre de l’instruction, saisie d’une ordonnance de transmission de pièces pour cause de trouble mental, doit être informée de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.
En cette matière, l’interrogatoire de la personne mise en examen par la chambre de l’instruction a pour objet, notamment, d’apprécier la nature des charges pesant sur elle.
Il résulte de l’arrêt que M. X... était présent à l’audience de la chambre de l’instruction et a eu la parole en dernier.
Mais il ne ressort d’aucune pièce de la procédure que le président a procédé à son interrogatoire ni qu’il a informé la personne de son droit de se taire.
Par ailleurs, en omettant d’informer la personne mise en examen, dès l’ouverture des débats, de son droit de garder le silence, la méconnaissance de cette obligation lui portant nécessairement grief, la chambre de l’instruction a violé le principe conventionnel susvisé.
 
Vu les articles 706-122 alinéa 4 et 168 du Code de procédure pénale :
Il résulte de ces articles que, lorsque la chambre de l’instruction est saisie d’un recours contre une ordonnance d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, les experts ayant examiné la personne mise en examen doivent être entendus par la chambre de l’instruction. Ils exposent à l’audience, s’il y a lieu, le résultat des opérations techniques auxquelles ils ont procédé, après avoir prêté serment d’apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience.
L’arrêt mentionne seulement qu’un avis a été adressé, le 21 mai 2019, par courriel, aux experts, par le procureur général, les informant que l’affaire serait examinée par la chambre de l’instruction à l’audience du 17 juin 2019 à 11 heures.
La Cour de cassation n’est donc pas en mesure de s’assurer que l’un des experts au moins a été entendu.
Dès lors, l’arrêt ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ».
Cass. crim., 8 juill. 2020, n° 19-85.954, P+B+I *
 

Cabinet d’avocat – perquisition – motivation
« Il résulte des articles 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et 56-1 du Code de procédure pénale que les perquisitions dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées, par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué, qu’à la suite d’une décision écrite et motivée prise par le magistrat, qui indique la nature de l’infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l’objet de celle-ci. Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué. L’absence dans la décision des motifs justifiant la perquisition et décrivant l’objet de celle-ci, qui prive le bâtonnier, chargé de la protection des droits de la défense, de l’information qui lui est réservée et qui interdit ensuite le contrôle réel et effectif de cette mesure par le juge des libertés et de la détention éventuellement saisi d’une contestation, porte nécessairement atteinte aux intérêts de l’avocat concerné.
Excède en conséquence ses pouvoirs le juge des libertés et de la détention qui ordonne le versement au dossier de l’information de documents saisis au cours de cette perquisition irrégulièrement menée.
 
Par réquisitoire introductif du 6 juin 2018, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Meaux a ouvert une information contre personne non dénommée, et Mme A, vice-présidente chargée de l’instruction, a été désignée pour instruire.
Le réquisitoire introductif vise des faits de : harcèlement moral à l’égard de cinq personnes, prise illégale d’intérêts à l’occasion de quatre projets immobiliers, suppression frauduleuse de données contenues dans un système de traitement automatisé concernant un document, usage de sept faux pouvoirs lors de séances du conseil municipal, atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés publics, à l’occasion de quatre marchés publics, et de falsification d’un pouvoir établi au nom d’un conseiller municipal, ces faits s’inscrivant dans la gestion municipale de la commune de Dammartin-en-Goële, en Seine-et-Marne. Le réquisitoire introductif identifie les personnes victimes de harcèlement et d’usage de faux, ainsi que les marchés publics compris dans la saisine du juge d’instruction.
Par réquisitoire supplétif du 8 novembre 2018, la saisine du juge d’instruction a été étendue à des faits d’atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats à l’occasion d’un marché public en concurrence avec la SCET et d’un marché public visant la réalisation d’un Pôle Santé, ainsi qu’à des faits de prise illégale d’intérêt dans un projet immobilier de SEMOP.
Par ordonnance du 4 février 2019, le juge d’instruction a décidé de procéder à une perquisition au cabinet de Mme X..., avocat, appartenant au cabinet Y... et associés, du barreau de Paris.
Le magistrat instructeur a procédé à cette perquisition, le 6 février 2019, en présence du délégué du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris. Celui-ci s’est opposé à la saisie de documents par le juge d’instruction. Ces documents ont été placés sous scellés fermés, et il a été dressé un procès-verbal des contestations ainsi élevées, qui a été transmis au juge des libertés et de la détention du tribunal de Meaux.
Afin de statuer sur ces contestations, le juge des libertés et de la détention a entendu, le 8 février 2019, l’avocat concerné et trois de ses associés, le délégué du bâtonnier de Paris, le juge d’instruction et le procureur de la République.
A l’issue de cette audience, le juge des libertés et de la détention a statué par l’ordonnance attaquée.
 
Il ne peut être reproché au juge des libertés et de la détention d’avoir commis un excès de pouvoir en ordonnant le versement, au dossier de l’information, de documents saisis par le juge d’instruction au cabinet de la demanderesse au pourvoi, avocat au barreau de Paris, malgré un conflit qui opposerait ce juge d’instruction à un associé de cet avocat, exerçant dans le même cabinet, qui aurait mis en cause l’inaction de ce juge d’instruction dans la conduite d’une information, dans une affaire distincte.
En effet, chargé de statuer sur les contestations élevées à l’occasion de la saisie de documents, effectuée lors d’une perquisition pratiquée par le juge d’instruction dans un cabinet d’avocat, le juge des libertés et de la détention n’est pas juge de la récusation du juge d’instruction.
Le grief ne peut donc être admis.
 
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche
Vu les articles 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et 56-1 du Code de procédure pénale :
Il résulte de ces textes que les perquisitions dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué, à la suite d’une décision écrite et motivée prise par ce magistrat, qui indique la nature de l’infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l’objet de celle-ci. Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué. L’absence, dans la décision prise par le magistrat, des motifs justifiant la perquisition et décrivant l’objet de celle-ci, qui prive le bâtonnier, chargé de la protection des droits de la défense, de l’information qui lui est réservée et qui interdit ensuite le contrôle réel et effectif de cette mesure par le juge des libertés et de la détention éventuellement saisi, porte nécessairement atteinte aux intérêts de l’avocat concerné (Crim. 9 février 2016, n°15-85.063, Bull. n°34).
L’ordonnance de perquisition, prise par le juge d’instruction, n’identifie pas les différents marchés publics visés par le réquisitoire introductif, ne contient pas les noms des personnes susceptibles d’avoir été victimes de harcèlement, visées au réquisitoire introductif, ne précise pas le document informatique qui aurait été supprimé de manière illégale, cette précision se trouvant dans le réquisitoire introductif, et n’indique pas la nature des documents qui auraient été falsifiés, ni des faux documents dont il aurait été fait usage. Cette ordonnance ne mentionne pas tous les marchés publics visés par le réquisitoire supplétif, et n’indique pas, en particulier, que la saisine du juge d’instruction s’étendait au projet de SEMOP, alors que des documents relatifs à ce projet ont été saisis par le juge d’instruction au cours de la perquisition.
Il suit de là que le bâtonnier, chargé de la protection des droits de la défense, n’a pas reçu, au début de la perquisition, les informations lui permettant de connaître les motifs de celle-ci, ainsi que son objet, qui comprenait la recherche de documents portant sur le marché public du projet de SEMOP, afin de déterminer le degré de participation à celui-ci de l’avocat concerné. Il en résulte que cette imprécision de l’ordonnance de perquisition a porté atteinte aux droits de la défense.
En ordonnant le versement, au dossier de l’information, de documents saisis au cours d’une perquisition irrégulière, le juge des libertés et de la détention a excédé ses pouvoirs ».
Cass. crim., 8 juill. 2020, n° 19-85.491, P+B+I *
 
 
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 15 août 2020.
 
 
 
Source : Actualités du droit