Retour aux articles

Droit à la correspondance des personnes détenues provisoirement et droit au juge

Pénal - Peines et droit pénitentiaire
29/06/2018
Le Conseil Constitutionnel invalide une partie des termes de l’article 40 de la loi pénitentiaire, en raison de l’absence de voie de droit permettant de contester l’opposition de l’autorité judiciaire à ce qu’une personne placée en détention provisoire corresponde par écrit.
L’article 40 de la loi pénitentiaire (L. n° 2009-1436, 24 nov. 2009, JO 25 nov.) prévoit que « les personnes condamnées et, sous réserve que l'autorité judiciaire ne s'y oppose pas, les personnes prévenues peuvent correspondre par écrit avec toute personne de leur choix », le courrier adressé ou reçu par les personnes détenues pouvant, sauf exception être contrôlé et retenu par l'administration pénitentiaire lorsque cette correspondance paraît compromettre gravement leur réinsertion ou le maintien du bon ordre et la sécurité.
 


Devant le Conseil d’État, la Section française de l'Observatoire international des prisons avait soutenu que les articles 145-4 et 715 du Code de procédure pénale, ainsi que les articles 34, 36 et 40 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, méconnaissaient l'article 34 de la Constitution, en tant qu'ils sont entachés d'incompétence négative, portent atteinte au droit à un recours effectif, tel que garanti par l'article 16 de la de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et au droit à mener une vie familiale normale protégé par l'alinéa 10 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, dès lors qu'ils ne sont pas assortis des voies de recours qui permettraient à une personne détenue en qualité de prévenu de contester les décisions prises par l'autorité sur le fondement de ces articles. Le Conseil d’État, par un arrêt du 11 avril 2018, décidait de renvoyer au Conseil constitutionnel, la question de la conformité du premier alinéa de l'article 40 de la loi pénitentiaire (CE, 11 avr. 2018, n° 417244).
 
Le Conseil constitutionnel rappelle les termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et, classiquement, estime qu’il résulte de cette disposition qu’il ne doit pas être porté d’atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction.
Or, ni l’article 40 de la loi pénitentiaire (précitée), ni aucune autre disposition législative ne permettent de contester devant une juridiction une décision refusant l’exercice de ce droit.
Dès lors, au regard des conséquences qu’entraîne ce refus pour une personne placée en détention provisoire, l’absence de voie de droit permettant la remise en cause de la décision du magistrat conduit au constate d’une méconnaissance des exigences découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789.
 
Par conséquent, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, les mots « sous réserve que l’autorité judiciaire ne s’y oppose pas » figurant au premier alinéa de l’article 40 de la loi du 24 novembre 2009 doivent être déclarés contraires à la Constitution.
Toutefois, l’abrogation immédiate des dispositions contestées aurait pour effet de priver l’autorité judiciaire de toute possibilité de refuser aux personnes placées en détention provisoire de correspondre par écrit. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Aussi, pour permettre au législateur de remédier à l’inconstitutionnalité constatée, l’abrogation est reportée au 1er mars 2019.
Entretemps et à compter de la publication de la décision, les décisions de refus prises après cette date de publication, peuvent être contestées devant le président de la chambre de l’instruction, dans les conditions prévues par la deuxième phrase du quatrième alinéa de l’article 145-4 du Code de procédure pénale.
Source : Actualités du droit