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Un projet de loi vise à améliorer le statut des travailleurs détenus

Pénal - Peines et droit pénitentiaire
03/05/2021
Le travail en détention serait à l’avenir encadré par un contrat d’emploi pénitentiaire conclu par le détenu et son donneur d’ordres, prévoit un projet de loi présenté en Conseil des ministres le 14 avril 2021. Il s’agit de « rapprocher les conditions de travail en détention des conditions de travail du droit commun afin de favoriser l’insertion professionnelle [des détenus] dans une perspective affirmée de lutte contre la récidive », précise le gouvernement dans son étude d’impact du projet de loi.
Le gouvernement a présenté en Conseil des ministres, le 14 avril 2021, un projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire ». Entre autres mesures, il prévoit de réviser le régime du travail en détention. Ainsi, serait notamment créé un contrat d’emploi pénitentiaire conclu entre le détenu et son donneur d’ordres, en remplacement de l’acte unilatéral d’engagement reliant jusqu’alors la personne détenue à l’administration pénitentiaire et prévu par la loi pénitentiaire nº 2009-1436 du 24 novembre 2009. En outre, le gouvernement serait habilité à prendre par ordonnance plusieurs mesures visant à ouvrir des droits sociaux aux travailleurs détenus, en vue de leur réinsertion.


Le classement au travail et l’affectation à un poste
Un détenu souhaitant travailler en détention pour un donneur d’ordres devrait adresser une demande de classement au travail à l’administration pénitentiaire. La décision serait prise par le chef d’établissement après avis d’une commission pluridisciplinaire unique. Le refus devrait être motivé et serait susceptible de recours.
En cas de classement au travail, l’administration pénitentiaire organiserait des entretiens professionnels entre la personne détenue et le donneur d’ordres. Au vu notamment des résultats de ces entretiens, le chef d’établissement déciderait de l’affectation sur un poste de travail. Divers motifs de déclassement, de désaffectation ou de suspension du classement ou de l’affectation seraient prévus.


La conclusion d’un contrat d’emploi pénitentiaire
Le détenu classé au travail et affecté à un poste de travail conclurait un contrat d’emploi pénitentiaire avec le donneur d’ordres. Ce contrat serait de droit public et non un contrat de travail de droit commun. La relation de travail entre le détenu et le donneur d’ordres restant régie par les dispositions du Code de procédure pénale (CPP) et par celles du Code du travail auxquelles le CPP renvoie expressément.

Le contrat préciserait sa durée, indéterminée ou déterminée, fixée en tenant compte de la durée de la mission ou du service confié au détenu, ainsi qu’une période d’essai d’au maximum deux semaines lorsque la durée du contrat est au plus égale à six mois ou d’un mois, prolongeable d’au maximum deux mois lorsque la technicité du poste le justifie, lorsque la durée du contrat est supérieure à six mois ou indéterminée. Un décret préciserait le contenu supplémentaire du contrat.

Si le donneur d’ordres n’est pas l’administration pénitentiaire, le détenu, le donneur d’ordres et le directeur de l’établissement pénitentiaire signeraient une convention annexée au contrat d’emploi pénitentiaire. Cette convention déterminerait les obligations respectives de l’établissement, du donneur d’ordres et du détenu et prévoirait notamment les modalités de remboursement par le donneur d’ordres des rémunérations et cotisations avancées par l’établissement.

Divers motifs de rupture ou de suspension du contrat seraient prévus. Tout litige lié au contrat d’emploi pénitentiaire et à la convention tripartie relèverait de la compétence de la juridiction administrative.


Les conditions de travail des détenus
Le travail serait accompli sous le contrôle permanent de l’administration qui assurerait la surveillance des détenus, la discipline et la sécurité sur les lieux du travail. Les conditions d’exercice de l’activité seraient adaptées à la personnalité du détenu et aux contraintes inhérentes à la détention.

Un décret fixerait :
- la rémunération minimale (à ce jour un décret fixe un taux horaire minimal indexé sur le Smic) et, comme aujourd’hui, les règles relatives à la répartition des produits du travail des détenus ;
- la durée maximale quotidienne et hebdomadaire de travail effectif du détenu (il serait renvoyé au Code du travail, selon l’étude d’impact), ainsi que les conditions de mise en place d’un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une durée supérieure à la semaine ;
- la durée du travail effectif à temps complet détenu (il serait renvoyé au Code du travail, selon l’étude d’impact) ;
- le régime des heures supplémentaires ;
- ainsi que le régime des temps de pause, du repos quotidien et du repos hebdomadaire et des jours fériés.

Par ailleurs, le chef d’établissement pénitentiaire devrait s’assurer que les mesures appropriées sont prises pour favoriser l’accès à l’activité professionnelle des détenus handicapés.


La mise en situation professionnelle d’un détenu
Un détenu pourrait effectuer une période de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP) au sein d’une structure d’accueil en milieu libre dans le cadre d’un placement à l’extérieur, d’une permission de sortir ou selon les modalités prévues pour le travail à l’extérieur. Un décret en fixerait les conditions.


Les droits sociaux des détenus
Le gouvernement pourrait prendre par ordonnance, dans un délai de dix mois à compter de la publication de la future loi, des mesures pour :
- ouvrir ou faciliter l’ouverture des droits sociaux aux détenus titulaires du contrat d’emploi pénitentiaire afin de favoriser leur réinsertion : assiette minimale de cotisations à l’assurance vieillesse, affiliation à l’Agirc-Arcco, bénéfice de droits à l’assurance chômage, ouverture des droits aux prestations en espèces de l’assurance maternité, de l’assurance invalidité, de l’assurance décès et de l’assurance maladie à l’issue de la détention ;
- ouvrir un droit au versement d’indemnités journalières pendant la détention au titre de l’assurance accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) ;
- favoriser l’accès des femmes détenues aux activités en détention en généralisant la mixité de ces activités ;
- lutter contre la discrimination et le harcèlement au travail en milieu carcéral ;
- favoriser l’accès à la formation professionnelle à la sortie de détention et valoriser les activités bénévoles auxquelles les détenus participent en détention : ouverture en détention d’un compte personnel d’activité (CPA), ouverture et alimentation du compte personnel de formation (CPF) pour les titulaires d’un contrat d’emploi pénitentiaire, ouverture du compte d’engagement citoyen (CEC) pour les détenus, création d’une réserve civique ;
- déterminer les personnes et services ayant pour mission de prévenir toute altération de la santé des détenus du fait de leur travail en détention, ainsi que les modalités de leur intervention, y compris celles relatives à l’évaluation de l’aptitude des détenus et au suivi de leur état de santé ;
- confier aux agents de contrôle de l’inspection du travail des prérogatives et moyens d’intervention au sein des établissements pénitentiaires afin de veiller à l’application des dispositions régissant le travail en détention ;
- et permettre l’implantation dans les locaux de l’administration pénitentiaire d’établissements et services d’aide par le travail (Esat) en détention.

 
LE TRAVAIL DES DÉTENUS : POUR QUI ET OÙ ? Le travail d’un détenu serait réalisé dans le cadre du contrat d’emploi pénitentiaire (v. ci-contre) lorsque le lieu de travail se situe, en tout ou partie, sur le domaine affecté à l’établissement pénitentiaire et à ses abords immédiats, et lorsqu’il est accompli pour un donneur d’ordres qui peut être :
- soit au service général, l’administration pénitentiaire ;
- soit dans le cadre d’une activité de production, un concessionnaire, une entreprise délégataire, une structure d’insertion par l’activité économique (SIAE), une entreprise adaptée (EA) ou un service de l’État ayant pour mission de développer le travail et l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice.
Par ailleurs, les détenus pourraient toujours travailler pour leur propre compte, après y avoir été autorisés par le chef d’établissement.
Source : Actualités du droit